
J’aime bien les gens qui m’emmènent quelque part. Mon prince qui s’est sauvé quand il a vu ma gueule, dans tous mes rêves je lui dis « Emmène-moi loin d’ici ». Quelque part. Avec mon chat noir, Bébé. Bébé il est tout noir mais tu sais déjà que la misère, c’est pas lui qui la produit. J’ai plus de travail. Entre autres choses. Et ça fait des dizaines d’années qu’on vote pour des humanistes, des experts, des super-techniciens qui nous racontent qu’ils vont nous emmener quelque part. On n’a pas bougé d’un iota. Par contre on s’enfonce. Y’ a bien un déplacement, mais pas horizontal. C’est vertical et vers le bas.
Mon frère quand on était gamins il adorait les petits trains. Comme les parents n’avaient pas de fric ils lui en achetaient des morceaux, des locomotives orphelines trouvées chez Emmaüs, des bouts de rails. La maquette visionnaire de la SNCF aujourd’hui, en gros. Comme mon frère, il est bricoleur, un jour, y s’est fabriqué un petit train avec des bouts de cageots et des bouchons de bouteilles coupés. Des trucs qui traînaient à la ferme. Je l’avais aidé un peu. Il y tenait pas mais moi si. Parce que moi aussi j’aime bien les petits trains. Même maintenant, même bourrée avec deux mains gauches. Tout le monde aime les trains. Y’en a même qui en font leur métier, ceux-là tu te dis qu’y vont au taff en chantant. Sauf le gars qui s’est tué. Pour plein de raisons sûrement, sauf que si on n’en avait pas, aussi, un gros paquet de clampins au gouvernement et en région, tellement incompétents et surtout tellement tordus, à s’en mettre la tête dans la poche, ben le gars serait peut-être encore là.
Il laisse deux orphelins. L’un de ses enfants était autiste. La solidarité, l’aide à la santé, le contrat social, chez nos clampins qui vivent la tête dans la poche c’est « Va voir les asso !». En fait, c’est « Va mendier ». Je sais pas ce qu’on éprouve, quand on est un super pro, un militant CGT, quelqu’un qui donne du temps, de l’énergie aux autres, quelqu’un qui fait tout ce qu’il doit, plus même, et qu’on reçoit ça, justement au moment où, à son tour, on a besoin d’aide.
C’est peut-être une histoire de train de vie. Que ceux qui prennent des décisions et ceux qui les subissent, y z’ont pas le même train de vie. Pour se suicider sur son lieu de travail un soir de Noël y fallait qu’il en manque sérieusement à un bout. A l’autre extrémité du monde, Philippe Tabarot, nouveau ministre des Transports, a réagi : « Ça aurait pu être plus grave s’il avait souhaité faire dérailler son train ». On reconnaît l’expert, puisque les TGV sont équipés d’un système d’arrêt d’urgence qui freine le train dès que le système détecte une absence d’actions ou de réactions du conducteur. Le conducteur de TGV a réussi son suicide comme il avait réussi sa carrière, et parce qu’il connaissait sa machine, son geste n’a mis en danger personne. Le Ministre, il va bien, mais c’est pas le même profil. Les urgences, y voit pas, le manque de personnel, le matériel vétuste, les clients qui vous agressent quand vot’ chef vous demande toujours plus, avec toujours moins, c’était le programme de Barnier, devinez quoi Bayrou et son équipe ont sorti le même et quand c’est pas possible et que tu fais pas, c’est pas eux qui répondent, c’est toi, qui est aux commandes de ce TGV plus flambant neuf, mais qui peut encore servir, toi, en région, aux commande de ce TER trouvé chez Emmaüs, parti avec du retard suite à une défaillance matériel, et qui va s’engouffrer dans un tunnel pas entretenu, sur une ligne qu’on va fermer, parce qu’on l’entretient pas, c’est trop cher, les chômeurs sur la ligne, les pauvres types qu’on pas de caisse qui voudraient aller voir les copains, la famille, tous ces gens on s’en fout, puisqu’ils ont la tête dans la poche, le ministre et ses potes, occupés à compter leurs sous. C’est aussi des champions de l’empathie, la solidarité, le bien commun, c’est leur obsession, mais suite à une torsion quelque part c’est eux qui ratissent à la fin.
Tabarot, c’est un ministre populaire. Le style Mac Do, « Venez comme vous êtes ». Son programme est populaire, lui aussi : limitation du droit de grève, démantèlement de SNCF fret, ouverture à la concurrence, donc y aura plus de trains, mais seulement sur les lignes qui rapportent, et les autres on va les fermer, promotion de la voiture individuelle, mais avec des ZFE en ville, si ta caisse est vieille et polluante, si t’a pas de quoi, t’es piéton, sinon y faut en changer tous les 4 ans minimum pour être à jour des critères. C’est toujours les roaring sixties, pour relancer l’économie on stimule le secteur automobile. En 2025, il y a bien un secteur à stimuler, c’est les transports publics. Une idée comme consommer autrement, ou encore, la Transition écologique. Pour le moment ça commence mal.
L’avenir en commun, la Transition écologique et les transports publics c’est pas sa culture, au ministre. C’est pas non plus un homme de la pénurie. Si, pour les autres. On dit l’austérité. C’est pas que les belles choses, y en ait pas, c’est qu’on peut pas se les payer. Lui si. En 2016-2017 déjà, en tant qu’Assistant parlementaire de sa sœur, et Assistant de la même, à la Mairie du Cannet, il gagnait quasi 100 000 euros par ans. 138 000 euros en 2017. Alors évidemment, le traitement de Sénateur à côté, à 5 246 euros nets par mois, sans les indemnités de représentation c’est… Avec ce poste de ministre on est repassé à la vitesse supérieure. Si c’est la culture Mac Do, c’est vraiment le whopper. Un spécial VIP. On comprend que les trains et les transports publics restent nimbés de mystère à ses yeux. Tabarot est venu comme il était. Peut-il partir comme il est venu ?
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